La vie en résidence : un art de vivre

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La vie en résidence : un art de vivre

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Murtaza Haider (à droite) avec des étudiants de la Résidence Gardner.
Owen Egan


Gardner Residence.

À tous points de vue (ou presque), Murtaza Haider a eu la main très heureuse en élisant domicile à la Résidence Gardner, une résidence pour étudiants de McGill où l'on trouve principalement des chambres individuelles dépouillées. Son appartement comprend une chambre repeinte depuis peu, un salon, une cuisinette, un coinlecture et une salle de bain. On tire les rideaux tout neufs et on a une vue superbe sur la verdure (ou la blancheur) du versant nord-est du mont Royal. « Évidemment, une maison à Outremont plairait davantage à ma femme ... », reconnaît-il.

Professeur à l'école d'urbanisme et au département de génie civil et de mécanique appliquée de McGill, M. Haider est effectivement marié. Alors comment un homme dans la trentaine et son intrépide épouse ont-ils accepté de s'accommoder du confort plutôt spartiate, de la familiarité et de la turbulence estudiantine proverbiale de ces lieux pendant trois ans? Murtaza s'inscrit dans une longue lignée de professeurs qui ont installé leurs pénates dans une résidence de McGill depuis plus d'un siècle. À l'heure actuelle, trois des huit résidences de McGill sont dirigées par des professeurs qui y habitent, et le reste, par des étudiants de deuxième ou de troisième cycle et des gens qui font partie intégrante de la communauté de l'Université.

Leur mission? Servir de trait d'union entre les étudiants de première année et la multitude de ressources et de services offerts sur le campus ... et jouer les casques bleus. Fautil le préciser, il faut avoir une certaine trempe pour vivre parmi des jeunes à peine majeurs.

« Je dirais que c'est une "vocation" », explique Flo Tracy, directrice des résidences de McGill et directrice résidente du Collège Royal Victoria depuis 25 ans. « Nous recherchons des professeurs qui se distinguent par leurs valeurs, leur souplesse, leur sens de l'humour, leur chaleur et leur sincérité. Il faut faire preuve d'ouverture, être disposé à faire le petit effort supplémentaire pour les étudiants, et être en mesure d'adhérer à notre philosophie. En fait, nos résidences sont dans une classe à part, car nous n'obéissons qu'à une seule règle : le respect. Le respect de soi, des autres et de l'immeuble. Il n'y a pas de commandement chez nous.... ».

On pourrait s'étonner que des universitaires se soumettent à un processus de sélection rigoureux et à une formation exhaustive, se contentent d'un appartement exigu et acceptent d'être fréquemment dérangés en échange du gîte et du couvert. Le privilège d'être le Salomon, le sage et, à l'occasion, la « nounou » des bizuts en vaut-il la chandelle? Mme Tracy affirme que cela convient parfaitement à certaines personnes. « En général, ce sont des gens qui viennent de se marier ou de se séparer ou de jeunes célibataires qui découvrent McGill. Ils se disent "Ça semble intéressant. Mon emploi du temps me le permet" ou "Je vis une transition". L'expérience a été extraordinaire pour toutes sortes de gens. »

Même ceux qui ont des enfants peuvent en sortir grandis, du moins pendant un certain temps. Le prédécesseur de M. Haider à la Résidence Gardner, Jim Nicell, un collègue du Département de génie civil, et son épouse, Donna, ont décidé de quitter les lieux après la naissance de leur deuxième enfant. Haider n'a pas d'enfant, mais se sent en terrain connu dans le monde des « ados ». « Lorsque nous avons envisagé la possibilité d'emménager à la Résidence, ma femme et moi avons réalisé que nous avions joué ce rôle sans le savoir pendant des années », explique-t-il.

« Beaucoup d'amis nous demandaient souvent d'aborder tel ou tel sujet avec leur adolescent. Les jeunes semblent à l'aise avec nous. »

Ce n'est guère étonnant. Fils de professeurs, Murtaza a grandi au Pakistan. Son univers était peuplé par les étudiants qui venaient prendre le thé et bavarder. « C'est devenu un mode de vie. Je croyais que la plupart des gens vivaient comme nous. »

Il en va de même de Michael Hoover, professeur de psychologie de l'enseignement, qui s'est installé à la Résidence McConnell en 1990, peu après son arrivée à McGill. Ce fils d'un aumônier universitaire n'a pas tardé à se sentir chez lui. « J'ai passé toute ma vie sur un campus ou dans le quartier voisin, sauf durant une période de 18 mois », précise Michael. « Et ça ne m'a pas plu. »

Michael a vécu assez longtemps à la résidence pour être un oracle au sens propre du terme, ce qui ne fait pas de lui un patriarche. Pour s'en convaincre, il suffit de jeter un coup d'oeil à l'affiche Jonny Quest qu'il a placardée sur sa porte pour faire savoir au visiteur qu'il entre chez le « Professeur Mike »; mentionnons également la collection sur DVD de la série Buffy the Vampire Slayer, qui côtoie de volumineux ouvrages d'érudition. Michael est une véritable dynamo. Avec son air espiègle, il suffirait de peu pour qu'on le prenne pour un étudiant (bon, d'accord, un étudiant de troisième cycle). Ne vous fiez pas aux apparences, car il a la situation bien en main et fait sentir sa présence dans l'immeuble, ce qui facilite la tâche des responsables d'étage triés sur le volet qui restent aux aguets.

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John Selkirk et Myrna Wyatt-Selkirk à la Résidence Solin.

«En gros, je me contente d'être là. Je joue un rôle dissuasif auprès des jeunes de 18-19 ans, pour qui tout semble raisonnable lorsqu'ils ont quelques verres dans le nez », explique-t-il.

M. Hoover en a vu de toutes les couleurs, bien que les infractions, relativement mineures pour la plupart, ne soient que le fruit d'une jeunesse trop impétueuse et de l'adaptation à la vie urbaine. Souvent, il fait part de sa vive désapprobation et s'enferme dans ses quartiers d'un air renfrogné. Une fois la porte fermée, il éclate de rire. C'est effectivement ce qui s'est produit le jour où un nigaud a fait tomber une distributrice de boissons gazeuses sur lui après l'avoir secouée, dans l'espoir qu'elle lui « crache » gracieusement une cannette…

À d'autres moments, il suffit de quelques rudiments de psychologie criminelle pour coincer le délinquant. « Ce sont de très mauvais menteurs. Il y avait un gars que je croisais toujours au petit déjeuner. Un jour, il m'évite et tente de passer inaperçu. Ça me semble louche. Je vais le voir et lui dis : "Est-ce que tu sais qu'on a à se parler tous les deux?" Il fait signe que oui. "Tu sais de quoi je parle?" Il hoche encore la tête. "Et tu sais ce que je vais te dire?" "Oui", répond-il. "Mettons que je te l'ai déjà dit, d'accord?" Dans le courant de la journée, il m'a apporté l'argent pour payer les pots cassés, même si je ne sais toujours pas de quels pots il s'agissait. À la fin de l'année, je lui ai dit : "Je ne sais pas quels sont tes projets d'avenir, mais tu ne réussiras jamais comme criminel". »

Malheureusement, il n'y a pas toujours de quoi rire. Chaque année voit son lot de mauvaises nouvelles et de problèmes qui affligent les résidents : maladie, décès d'un proche, divorce, dépression, troubles alimentaires, problèmes de santé mentale, problèmes liés à l'identité ou à la diversité sexuelles. « On vit à une époque où les maux sont nombreux », ajoute Michael.

Cependant, les responsables d'étage et le directeur savent à qui s'adresser lorsqu'ils estiment qu'un spécialiste doit intervenir, que la personne ait besoin d'une consultation psychologique ou de simples conseils. Chaque fois que l'affaire connaît un heureux dénouement, leurs efforts sont récompensés. « Nos étudiants ont la couenne dure. On aide une personne à surmonter une crise grave et on la voit remonter la pente. En général, les jeunes ont le coeur brisé et sont anéantis ... jusqu'au vendredi suivant, lorsque les copains l'invitent à s'éclater avec eux. Leur exubérance et leur enthousiasme sont contagieux », croit Michael.

Les péripéties qui surviennent durant l'année cimentent les liens entre le directeur et les responsables d'étage, qui deviennent souvent des amis pour la vie. Myrna Wyatt Selkirk, professeur d'art dramatique au département d'études anglaises de McGill, et son mari, John Selkirk, un dramaturge, dirigent depuis 1990 la Résidence Solin, située près du marché Atwater. Des responsables d'étage leur sont devenus très chers. L'imposante poutre de bois qui traverse le plafond du salon rend hommage aux membres du personnel étudiant qui ont franchi le seuil de leur appartement. « Nous nous plaisons à croire que ce sont eux qui veillent sur nous », de dire John.

Une foule d'objets sont attachés à la poutre : un bâton de hockey, une poupée indienne, les flippers d'un billard électrique Gilligan's Island, un billet de 10 dollars et une règle. Chacun a son histoire et charrie de précieux souvenirs. La règle a servi d'attelle à une infortunée responsable d'étage qui s'était cassée le bras en donnant un cours d'autodéfense. « Nous l'avons accompagnée à l'hôpital pour la soutenir. Lorsqu'on lui a raconté ce qui s'était passé, John voulait absolument avoir la règle pour sa collection. Pendant que nous attendions les résultats de la radiographie, John a amorcé des tractations en vue de l'obtenir », relate Myrna.

« Une personne qui se blesse dans un cours d'autodéfense. Voilà une ironie du sort qui ne m'a pas échappé », ajoute son mari.

La fonction de directeur semble aller de pair avec le violon d'Ingres du couple : conserver dans un véritable panthéon les objets hétéroclites qui ont marqué l'histoire de la communauté étudiante habitant l'ancienne chocolaterie de Saint-Henri. « On dirait que nous aimons les petites traditions », admet Myrna.

Une des plus grandes traditions de la Résidence Solin est le tournoi de cribbage annuel, qui a lui aussi sa petite histoire. Il y a quelques années, la résidence a été le théâtre d'une petite insurrection en l'absence des Selkirk. « Trois étudiants ont perdu la tête. Ils se sont mis à faire du grabuge et à effrayer les autres résidents. Heureusement, lorsqu'un directeur est absent, on peut appeler un collègue d'urgence. Les responsables d'étage ont donc téléphoné à Flo [Tracy] », relate Myrna.

Flo a mis un terme à l'insurrection, et les fauteurs de trouble ont décidé de quitter la résidence. À l'Action de grâce, afin de célébrer le retour à la normale, les Selkirk ont organisé un souper à la pizza, qui a été suivi d'un tournoi de cribbage passionnant. Près d'une décennie plus tard, ce tournoi annuel attire à Solin plus de 30 anciens responsables d'étage. « Ils ne peuvent pas tous être présents, mais nous sommes comblés de joie de voir qu'ils sont si nombreux à franchir de longues distances pour revenir », explique Myrna.

John exhibe fièrement l'enjeu du tournoi, une réplique miniature de la Coupe Stanley bardée de petits bouts de ruban où est inscrit le nom des vainqueurs. Il a été baptisé le Food, Ace and Games Trophy, un nom qui évoque une autre anecdote, soit la présence d'une coquille dans l'invitation originale. À la Résidence Solin, les souvenirs sont partout.

Leurs plus beaux souvenirs sont associés à des moments où il ne se passait rien de particulier : «Le thé...les biscuits... les conversations qui s'étirent.... Je ne suis pas vraiment leur patron. Ce sont des amis », dit Myrna.

En octobre, il n'y a guère de place pour la nostalgie dans les résidences de McGill. Une nouvelle cohorte de responsables d'étage et d'étudiants de première année écrivent un nouveau chapitre de la vie de chaque directeur. Pour M. Haider, tout s'est bien déroulé jusqu'à maintenant. Il n'est pas débordé et a peu d'incidents à signaler hormis quelques soirées tapageuses et la tentative de vol de la table de babyfoot. « Mon rôle consiste à leur faire comprendre que la liberté est aussi une affaire de responsabilité. Si j'arrive à faire passer mon message sans tenir d'audience disciplinaire, l'année est idéale. Je ne sais pas ce qui arrivera ce soir ou demain. Mais je ne m'en fais pas. Si ça se corse, je sais que je n'ai qu'à donner un coup de fil à Flo, Jim, Mike ou Myrna. »

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