La gestion au profit de l'innovation sociale

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La gestion au profit de l'innovation sociale

Illustration of a meeting.

Les étudiants et professeurs de la Faculté de gestion de l'Université McGill travaillent à des projets qui sont liés à l'innovation sociale, la responsabilisation des entreprises et la durabilité de l'environnement.

On pourrait s'étonner à première vue du sujet de recherche de Warren Nilsson. Ce candidat au doctorat à la Faculté de gestion de l'Université McGill a en effet arrêté son choix sur l'organisme Santropol Roulant, un service de popote roulante de Montréal. De de l'avis de Warren, toutefois, il ne pouvait trouver meilleur archétype pour illustrer les principes universels de l'innovation sociale.

La mission de Santropol est simple : offrir des services de repas, des liens de camaraderie et une sécurité à des Montréalais en perte d'autonomie. Cependant, dans la poursuite de cette mission simple, cet organisme bénévole primé a su devenir une force intergénérationnelle au sein de la collectivité, initiant des centaines d'adolescents et de jeunes adultes (dont bon nombre d'étudiants de McGill) au bénévolat et se faisant le catalyseur de nombreuses initiatives complémentaires menées en étroite collaboration avec les administrations publiques et le milieu des affaires.

« Santropol est un petit organisme qui poursuit de grands objectifs et qui a su faire entendre sa voix, sans devenir très gros, ni même puissant », souligne M. Nilsson. Ce projet de recherche a permis à Warren Nilsson de constater que l'impact profond exercé par Santropol tient d'abord et avant tout à la manière dont cet organisme sait rapprocher les gens, les générations et les frontières.

« Ma recherche porte sur des thèmes généraux, dit-il, mais que j'examine dans une optique pragmatique et réaliste. Au cours des années à venir, j'espère étendre ma recherche à des douzaines d'organismes et, si je réussis à traduire d'une manière convaincante les idées qui s'en dégageront et à les étoffer d'exemples éloquents, cet exercice pourrait se révéler utile pour d'autres organismes qui cherchent eux aussi des solutions aux problèmes de notre société. »

Cependant, M. Nilsson n'est pas le seul étudiant de la Faculté de gestion de l'Université McGill à vouloir percer le secret du succès de l'innovation sociale, et il ne fait même pas bande à part.

De fait, la Faculté de gestion a récemment mené une étude exhaustive pour le compte du Aspen Institute, dont le siège est à Washington, dans le cadre de l'enquête semestrielle « Beyond Grey Pinstripes » (Au-delà du costume gris à fines rayures) qui porte sur les programmes de MBA offerts en Amérique du Nord. Cette étude de la Faculté de gestion, qui avait pour but de mesurer son niveau d'engagement en matière de recherche et d'enseignement des principes de la responsabilité sociale des entreprises et de l'environnement durable, a fait ressortir la similitude remarquable qui existe entre les différents départements, programmes d'études et membres du personnel de la Faculté.

Ainsi, de nombreux cours sur l'innovation et sur les impacts sociaux des entreprises ont été créés ou améliorés au cours des dernières années. De plus, la division de Net Impact de McGill, un organisme international formé d'étudiants au MBA qui font preuve d'une conscience sociale et environnementale, offre des services-conseils en gestion et des services de consultation financière à des organismes sans but lucratif de Montréal; elle organise aussi des conférences présentées par des personnes de renom sur des thèmes tels que la responsabilisation des entreprises, le développement international, le partage de la richesse, le commerce équitable et le Protocole de Kyoto.

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Warren Nilsson.

Un autre organisme, le McGill Business Watch, s'adresse aux étudiants du premier cycle; cet organisme propose des films chocs comme Roger and Me et Affluenza, en plus de se faire le défenseur de la campagne environnementale Repenser le rôle de McGill en faveur d'un campus durable et de faire ouvertement la promotion de la journée annuelle « Sans achat » du groupe Adbuster.

Pour sa part, le Centre Dobson d'études sur l'entrepreneuriat préconise la création d'entreprises qui cherchent à concilier intérêts financiers et sociaux. Mentionnons également le Centre d'études internationales en gestion qui intervient auprès des administrations publiques, des écoles et des organismes sociaux, en faveur d'une croissance durable dans les économies en développement du monde entier, notamment au Pakistan, en Europe de l'Est, en Indonésie et en Afrique.

Autre initiative, la Faculté de gestion collabore avec la Faculté de médecine de l'Université McGill à un projet dont le but est de favoriser une gestion plus efficace de la santé. De plus, durant ses trois années d'existence, le remarquable Programme McGill-McConnell a formé des divers dirigeants, autant chevronnés que novices, issus d'organismes bénévoles influents, œuvrant dans les domaines des arts, de l'éducation, de la famille, des droits de la personne, de l'alphabétisation, de la lutte contre la faim, de la santé et de l'environnement.

Certes, une telle approche tranche avec le cadre traditionnel de l'enseignement de la gestion. Et il en va de même du corps professoral fort éclectique de la Faculté de gestion. Depuis les années 60, alors que le visionnaire de réputation internationale Henry Mintzberg,BEng'61, a commencé à parler du contexte social des entreprises, la Faculté attire des universitaires de milieux que l'on n'associe habituellement pas au monde des affaires, notamment l'ingénierie, les sciences politiques, la sociologie et les arts.

« Au fil des ans, la Faculté a su se démarquer en réunissant des membres de domaines que l'on ne retrouverait sans doute pas à la Harvard Business School, ajoute Frances Westley, MA'75, PhD'78, professeur de stratégie James McGill et ancienne directrice du Programme McGill-McConnell. Les recherches ne portent pas sur les entreprises à proprement parler, mais plutôt sur les liens entre les entreprises et la société.

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Margaret Graham.

L'initiative « Beyond Grey Pinstripes » a contribué à confirmer cette tendance, et le classement accordé par Corporate Knights - un magazine qui fait la promotion des pratiques commerciales socialement responsables - est venu confirmer cette notion. Le magazine a en effet classé McGill parmi les trois premières facultés de gestion du Canada. Aujourd'hui, près de la moitié des professeurs à temps plein de la Faculté travaillent à des projets de recherche qui sont liés à l'innovation sociale, la responsabilisation des entreprises ou la durabilité de l'environnement : c'est le cas notamment du professeur Mintzberg (collaboration intersectorielle), Nancy Adler (leadership dans les pays en développement), Laurette Dubé (marketing social), Steve Maguire (collaboration dans la lutte contre le sida), Paola Perez-Aleman (impacts sociaux de l'innovation dans les pays en développement), Vedat Verter (modèles éthiques de gestion appliqués au transport des déchets) et Susan Christoffersen (investissements éthiques par les fonds mutuels et les caisses de retraite), pour ne nommer que ceux-ci.

« Je n'aurais pas à aller bien loin pour trouver plusieurs personnes dont les travaux ont une incidence sur les aspects sociaux », déclare Margaret Graham, directrice du Consortium pour l'innovation de McGill. Cette cohorte sans cesse grandissante de professeurs issus d'un éventail varié de disciplines liées à la gestion se réunit chaque mois dans le cadre de tables rondes consacrées à l'innovation sociale. Selon Mme Graham, il s'agit d'une tendance fort positive, car les lacunes de nos connaissances sur l'innovation sociale ont forcé jusqu'à maintenant la société à s'attaquer à ses problèmes les plus épineux sans stratégies rigoureusement éprouvées.

« Cette approche particulière des membres de la Faculté pourrait répondre à un réel besoin », ajoute Mme Graham, qui connaît bien l'histoire de l'innovation. « Qu'il s'agisse d'un laboratoire de recherche et développement, d'un organisme public, d'un organisme de bienfaisance, d'un organisme de services ou d'une grande société, le succès ou l'échec d'une innovation tient fondamentalement à sa composante sociale, c'est-à-dire à la manière de coordonner, de persuader et de négocier pour amener un groupe, large et diversifié, à collaborer. » Malgré cela, les ouvrages traditionnels consacrés à l'innovation continuent d'insister essentiellement sur les volets économiques ou techniques et ignorent à toute fin pratique l'aspect social.

La plus récente initiative mise en œuvre par la Faculté de gestion, en vue de combler les lacunes de nos connaissances, est un projet de collaboration avec la société DuPont Canada, qui consiste en une série de séances de réflexion visant à dégager le sens des recherches disparates sur l'innovation sociale. L'équipe principale affectée à ce projet est constituée de spécialistes en innovation de la société DuPont, d'universitaires qui étudient l'innovation dans divers domaines, de deux étudiants inscrits à des programmes d'études supérieures en gestion à McGill et de Frances Westley, animatrice du projet. Chaque séance est consacrée à un thème qui est traité par un conférencier réputé, parmi lesquels figurent Henry Mintzberg et Margaret Graham. Or ces discussions n'ont rien du simple bavardage.

« Nous cherchons à intégrer les concepts théoriques actuels de l'innovation sociale et à les traduire en des concepts et des outils pratiques qui se révéleront utiles aux exécutants du secteur public, des entreprises et des organismes bénévoles qui cherchent activement à transformer leur propre organisme et à s'attaquer, par de stratégies nouvelles, à certains problèmes insolubles de la société. »

Les conclusions et les concepts qui s'en dégageront seront bientôt publiés dans un livre qui se révélera certainement utile aux administrateurs de tout organisme public ou sans but lucratif qui veut innover sa mission, qu'il s'agisse d'Oxfam, de l'Association de la dystrophie musculaire, de Centraide, de la Fédération canadienne de la nature ou encore d'un organisme dérivé de Santropol Roulant. L'objectif ultime de cette initiative conjointe de l'Université McGill et de la société DuPont est de favoriser l'atteinte de résultats probants dans le cadre de projets communautaires axés notamment sur la diminution de la pauvreté, la réduction du nombre de sans-abris et l'intégration du mouvement en faveur d'un environnement durable.

Bien sûr, l'innovation sociale peut consister en l'adaptation créative des techniques de gestion à la résolution des problèmes de la société; cependant, le projet conjoint McGill-DuPont n'a pas pour but de se limiter à enseigner à un organisme sans but lucratif le mode de gestion d'une entreprise.

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Dipa Mehta.

« Certes, le rendement est important, mais ce n'est qu'un des aspects de la démarche visant à accroître l'efficacité », souligne Colleen Brydon, directrice de l'entreprise d'innovation sociale de la société DuPont Canada. « Ce partenariat avec McGill met l'accent sur les effets plus grands de l'innovation. »

Et, selon Mme Graham, ces effets ne pourront être obtenus que s'il s'établit une véritable collaboration qui assure à chacun une participation égale. « Toutes les formes de connaissance sont utiles à l'innovation », ajoute-t-elle.

Y compris les connaissances des étudiants. C'est dans cette optique Frances Westley publiera sous peu plusieurs volumes réunissant des thèses de maîtrise présentées par des diplômés du Programme McGill-McConnell. Pour sa part, Mme Graham encourage les étudiants au MBA à étudier des thèmes liés à la Stratégie d'innovation du Canada et elle cherche à tirer profit de travaux de recherche importants réalisés par des étudiants. Cette année, par exemple, elle entend utiliser une étude de cas rédigée par Dipa Mehta, BCom'95, MBA'03, qui examine les répercussions sociales de la décision d'une entreprise pharmaceutique canadienne, qui a choisi de distribuer un nouveau médicament prometteur pour la santé des femmes, malgré la controverse entourant ce médicament et la publicité négative qui risque d'en découler.

« Cette recherche indépendante fut une expérience fort enrichissante pour moi et l'entreprise, précise Dipa Mehta. Et le fait que cette recherche puisse servir à de futurs étudiants en gestion - peu importe qu'elle soit publiée ou primée - est déjà pour moi un grand honneur. »

Si les acteurs de l'innovation sociale au sein de la Faculté de gestion préconisent une culture de la recherche en action, ils ne sont pas les seuls et un nombre croissant d'étudiants ont décidé de passer directement à l'action. Mentionnons à titre d'exemple l'Initiative d'expérience communautaire, qui a été fondée en 2000 par Eric Steedman, MBA'00, et Kariann Aarup, BCom'91, et MBA'93, et qui nous offre un exemple classique de projet d'entrepreneuriat social. Cette initiative, qui s'adresse aux étudiants en gestion manifestant une conscience sociale, a pour but de trouver et de financer des stages dans le secteur social. On tient également une foire des carrières dans le secteur bénévole à travers le Canada, un événement qui a attiré cette année 120 étudiants inscrits au baccalauréat en commerce et au MBA, désireux de mettre leurs études en gestion au profit de la société.

« La recherche est vitale », souligne Kariann Aarup, candidate au doctorat à l'École des hautes études commerciales. Mme Aarup enseigne également un cours fort instructif aux étudiants inscrits au baccalauréat en commerce à McGill, sur le contexte social des entreprises. « Les étudiants sont très enthousiastes lorsqu'on les initie aux concepts de l'innovation sociale, de durabilité et de justice, et ils veulent agir en ce sens. »

Aujourd'hui, les possibilités sont nombreuses pour ceux qui aspirent à de tels objectifs, qu'ils choisissent de faire carrière dans l'administration publique, le secteur bénévole ou même le secteur des entreprises; en effet, ce dernier sent bien les pressions qui s'exercent aujourd'hui afin qu'il adopte une démarche, non plus dictée par les intérêts des actionnaires, mais plutôt par ceux des intervenants, c'est-à-dire un groupe beaucoup plus diversifié de personnes manifestant une conscience sociale et environnementale et parmi lesquelles se trouvent des employés, des clients, des fournisseurs, des collectivités et les habitants de notre écosystème.

« Notre époque a beaucoup avec commun avec les années 30, une période où les entreprises ont pris conscience du fait que, si elles voulaient maintenir la stabilité sociale essentielle à la bonne marche de leurs affaires, elles se devaient de manifester une plus grande conscience sociale, sans quoi l'ensemble du système était voué à l'effondrement, ajoute Mme Graham. Je crois que nous nous retrouvons aujourd'hui dans une situation comparable. »

La collaboration et la motivation sont indispensables, conclut Margaret Graham, car l'innovation ne peut se faire en vase clos. « Il est temps que les idées importent dans notre société et non seulement, » ajoute-t-elle après un bref silence, « que les idées rapportent. »

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