Percer le code du diabète

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Percer le code du diabète

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Dans leur quête d'identification de nouveaux gènes associés au diabète de type 2, les Drs Rob Sladek (à gauche) et Constantin Polychronakos (à droite) ont supervisé les travaux menés par une équipe notamment formée de Johan Rung (deuxième, à partir de la droite), un bioinformaticien qui a géré la majeure partie de l'analyse statistique des données génomiques, et d'Alexandre Montpetit, directeur scientifique adjoint du Centre d'innovation Génome Québec et Université McGill.

Une analyse révolutionnaire de l'ADN révèle que le diabète de type 2 est beaucoup plus complexe qu'on ne le croyait, pour le plus grand bonheur des chercheurs.

PAR MARK REYNOLDS / TRADUCTION D'ISABELLE CHEVAL

D'ici 2010, près de 3 millions de Canadiens recevront un diagnostic de diabète de type 2. Contrairement au diabète de type 1, une maladie auto-immune incurable, le diabète de type 2 (parfois appelé diabète non insulinodépendant ou diabète de l'adulte) est un trouble métabolique qu'il est souvent possible de contrôler ou de prévenir en surveillant son alimentation et en pratiquant une activité physique. Mais lorsqu'il n'est pas convenablement traité, le diabète de type 2 peut coûter très cher et faire peser sur les personnes qui en sont atteintes un risque élevé de cécité, d'insuffisance cardiaque et hépatique et de différentes maladies.

Compte tenu des enjeux, le Dr Rob Sladek et ses collègues peuvent être fiers d'avoir identifié l'an dernier quatre nouveaux gènes associés à cette maladie. Que leur article publié dans Nature soit le cinquième article scientifique le plus cité de 2007, selon le site de classement et d'analyse des publications scientifiques ScienceWatch.com, n'est en fait que la cerise sur le gâteau (sans sucre, bien sûr). Mais sans le facteur chance ni la souplesse, cette découverte aurait très bien pu ne jamais se matérialiser.

Dr Sladek, professeur adjoint au Département de génétique humaine et d'endocrinologie, explique que le projet initial de son équipe était d'identifier les gènes candidats à l'aide de modèles animaux. Ce plan prévoyait d'induire le diabète chez les rongeurs, puis d'identifier les gènes qui semblaient activés ou altérés par la présence de la maladie.

« Si nous avions suivi cette piste, nous aurions probablement trouvé un ou deux gènes, et sans doute des gènes déjà connus », souligne-t-il.

Affairés à la planification de ces expériences, la technologie les a devancés, avec la disponibilité des microréseaux. Il devenait ainsi est devenu possible de balayer rapidement l'intégralité du code génétique humain, si bien que l'équipe s'est empressée de modifier ses plans au profit d'études d'association à l'échelle du génome entier. Les études d'association pangénomique font appel au balayage du génome de plusieurs centaines de sujets et permettent d'utiliser les statistiques pour identifier les gènes associés à certaines caractéristiques.

Le temps pressait. L'équipe, dirigée par McGill et composée de collaborateurs de l'Institut Louis-Pasteur en France, du Collège impérial de Londres et de l'Université de Montréal, savait qu'elle rivalisait avec un certain nombre de poids lourds dans la course à la publication, au nombre desquels figuraient l'Institut Broad de Harvard, le Wellcome Trust d'Angleterre et les Instituts nationaux de santé, situés à Washington.

Fort heureusement, le Pr Sladek et son équipe ont eu accès aux techniques de pointe et à l'expertise du Centre d'innovation Génome Québec et Université McGill (CIGQUM), sans parler des quelque 3 000 échantillons d'ADN de diabétiques, laborieusement recueillis et catalogués par l'équipe de recherche française de l'étude DESIR (Données épidémiologiques sur le syndrome d'insulino-résistance) et des chercheurs de l'Institut Pasteur de Lille. Johan Rung, un bioinformaticien rattaché au CIGQUM, Alexandre Montpetit, directeur scientifique adjoint du Centre, et le candidat postdoctoral Ghislain Rocheleau ont mené l'analyse statistique de la vaste quantité de donnée.

Le Dr Constantin Polychronakos, professeur de pédiatrie et de génétique humaine, explique que la rapidité et la fiabilité des résultats obtenus sont attribuables à la quantité d'échantillons et de données que l'équipe avait en sa possession sur les donneurs (telles que le poids de chaque sujet, l'âge d'apparition du diabète et les antécédents médicaux).

« Nous savions que l'obésité était un facteur, mais nous souhaitions savoir quels étaient les autres facteurs en jeu, si bien que nous avons axé nos recherches sur les diabétiques minces », précise-t-il. L'équipe mcgilloise a ainsi pu obtenir une meilleure corrélation, ou « ordre d'amplitude » pour reprendre les termes du Dr Polychronakos, que celle trouvée ultérieurement dans les études menées par leurs concurrents.

Les milliers d'échantillons ont été envoyés à Montréal, où ils ont été passés dans les microréseaux d'ADN du CIGQUM, situé sur le campus du centre-ville de McGill. L'équipe a ensuite pu localiser les quatre gènes et au moins « une adresse ou un numéro d'appartement pour chacun d'eux », souligne le Dr Sladek.

Deux des quatre gènes identifiés par l'équipe mcgilloise ont été confirmés par les données issues d'études menées par les équipes concurrentes, et sont les plus prometteurs pour les futures recherches. Les deux autres partagent le même « numéro d'appartement » génomique, ce qui complique la caractérisation de leur fonction. Le Dr Polychronakos admet que leur corrélation pourrait tout simplement être une aberration statistique.

Les deux gènes corroborés par des études ultérieures jouent un rôle important dans les cellules bêta pancréatiques. L'un d'eux, HHEX, est en fait un commutateur qui régule l'expression des protéines. La caractérisation précise de sa fonction devrait intervenir d'ici un ou deux ans, selon le Dr Sladek, qui pense toutefois que le gène est lié au développement des tissus pancréatiques. L'autre gène, SLC30A8 (également connu sous le nom de Znt8), n'est exprimé que par les cellules bêta pancréatiques et il est utilisé dans le métabolisme du zinc, qui est à son tour utilisé dans la synthèse de l'insuline.

Bien qu'il soit possible que ces découvertes débouchent, à long terme, sur des traitements cliniques du diabète (en stimulant le transport du zinc, par exemple), cette découverte illustre surtout l'extrême complexité de la maladie. Il y a tout juste deux ans, les chercheurs savaient que trois gènes seulement, voire un quatrième, étaient mis en cause dans le diabète. Aujourd'hui, ils pensent qu'il pourrait y en avoir cinquante. « Peu à peu, nous allons découvrir que les bases génétiques de la maladie diffèrent d'une personne à l'autre », explique Rob Sladek. « Même si nous pouvons expliquer beaucoup de choses, concevoir un test génétique fondé sur nos connaissances relève quand même du défi. Nous ne connaissons pas toutes les variantes possibles. L'intérêt de la recherche génétique tient à ce qu'elle pourrait nous donner pour la première fois les moyens de subdiviser le diabète de type 2 en différents groupes. Au cours des prochaines années, nous devrions commencer à percevoir les différences entre ces sous-groupes en termes d'évolution de la maladie, de la difficulté à la traiter et de l'effet de certains médicaments sur, par exemple, le diabète de type 2A ou 2B ou 2C. »

« Dans trente ans, il est possible que nous ne parlions plus de diabète de type 2, mais d'un large spectre de troubles différents. La porte que nous venons d'ouvrir débouche sur une multitude de pistes. »

Par conséquent, les recherches se poursuivent. Le Dr Sladek explique que son équipe fait déjà le suivi des résultats annoncés dans l'article paru dans Nature au moyen de cultures cellulaires et de modèles murins, dans l'espoir de mieux caractériser la nature des gènes HHEX et SLC30A8, et peut-être de trouver les moyens d'en corriger les fonctions.

Le Dr Polychronakos se réjouit de l'immense complexité que ces recherches ont permis de dévoiler. Les techniques utilisées pour identifier les gènes HHEX et SLC30A8 sont des techniques à très large spectre, conçues pour trouver des variations communes. Selon lui, de nombreux cas de diabète se révéleront le résultat de mutations rares dans le code génétique des patients.

Même si les Drs Sladek et Polychronakos ne pensaient pas figurer au tableau d'honneur de la science, ils sont à juste titre fiers de leur découverte.

« Nos travaux ont été récompensés–les citations sont un indice de l'impact que les recherches peuvent avoir. Elles sont la raison d'être de tout scientifique », souligne Constantin Polychronakos.

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