Détectives Scientifiques

Détectives Scientifiques McGill University

| Skip to search Skip to navigation Skip to page content

User Tools (skip):

Sign in | Wednesday, November 14, 2018
Sister Sites: McGill website | myMcGill

McGill News
ALUMNI QUARTERLY - winter 2008
McGill News cover

| Help
Page Options (skip): Larger
Home > McGill News > 2007 > Winter 2007 > Détectives Scientifiques

Détectives Scientifiques

Le Laboratoire de sciences judiciaires et de médecine légale de Montréal est l’un des plus anciens et des plus connus au monde dans son domaine. Nous vous présentons les professeurs et diplômés de McGill qui y travaillent et qui, grâce à leurs compétences scientifiques, aident la police à mettre les malfaiteurs sous les verrous.
Clues from a crime scene

Lors d’une soirée, quand on lui demande ce qu’elle fait dans la vie, Anny Sauvageau sait quelle réaction va susciter sa réponse. « Les yeux s’illuminent », dit-elle, quand on découvre ce à quoi elle occupe ses journées.

Il y a de fortes chances pour qu’elle passe ensuite des heures à répondre aux questions que soulève son travail. Et si elle n’a pas envie de parler à bâtons rompus sur le sujet, «… je dis simplement que je travaille pour le gouvernement, sans préciser ».

Anny Sauvageau est professeure adjointe au Département de pathologie de McGill, mais ce n’est pas ça qui éveille la curiosité des inconnus. Ce qui la met sur la sellette, c’est son travail de pathologiste judiciaire au Laboratoire de sciences judiciaires et de médecine légale (LSJML) de Montréal. « C’est intéressant de travailler dans un domaine prestigieux, dit-elle. On reçoit beaucoup d’attention. »

Caption follows
Anny Sauvageau

À en croire les cotes d’écoute des émissions de télé, le grand public éprouve une curiosité insatiable pour les tenants et aboutissants de la criminalistique. Des millions de téléspectateurs se passionnent chaque semaine pour les aventures des détectives en vedette dans l’émission CSI: Crime Scene Investigation et ses séries dérivées, CSI: Miami et CSI: NY.

« De nos jours, la télévision réussit beaucoup mieux à exploiter le côté scientifique de notre travail. Il y a vingt ans, la criminalistique qu’on y présentait était totalement irréaliste », souligne le biologiste judiciaire Vahé Sarafian (BSc’72, PhD’92), un des collègues d’Anny Sauvageau au LSJML. « Aujourd’hui, c’est même un peu trop réaliste. Certaines de ces émissions dévoilent des secrets, révèlent des choses qui ne devraient pas sortir du milieu médico-légal. »

Anny Sauvageau est du même avis. « Parfois, c’est comme si la télé nous donnait une recette pour commettre un bon crime. »

Ce qui ne veut pas dire qu’Hollywood a raison sur toute la ligne. Le printemps dernier, l’Association des diplômés de McGill a organisé un débat d’experts sur la criminalistique. Anny Sauvageau, qui comptait parmi les experts invités à cet événement qui s’est tenu à guichets fermés, y a fait remarquer avec une pointe d’ironie qu’il y a peu de chances de rencontrer une experte judiciaire « arborant coiffure à la Marilyn et talons aiguilles » sur une scène de crime. En fait, la plupart des spécialistes qui travaillent au laboratoire médico-légal de Montréal n’approchent jamais de la moindre scène de crime.

« Vous vous souvenez de Quincy? », demande Sarafian, faisant allusion au personnage d’une série télé qui a tenu l’antenne pendant des années. Jack Klugman y tenait le rôle d’un médecin légiste qui sortait régulièrement de son laboratoire pour aller intimider des meurtriers et les forcer à confesser leurs crimes. « Quincy se chargeait de tout de A à Z. C’est une exemple classique de ce qui ne se fait pas. Dans l’émission CSI, les enquêteurs qui se rendent sur la scène du crime se fient à leurs intuitions et interrogent les suspects. Nous ne faisons pas ça. » Et d’ajouter Sauvageau : « Les personnages de CSI font en 24 heures ce qui nécessite souvent des mois dans la vraie vie. »

Les experts judiciaires admettront que les cas bizarres mis en scène dans les films ou émissions de télé ne sont pas toujours à ce point différents de ceux qu’ils rencontrent au LSJML. Les gens meurent de toutes sortes de façons insolites. Cette question a été le point de départ des recherches de Sauvageau et bon nombre des articles qu’elle a publié dans des revues scientifiques traitent de décès qui sortent de l’ordinaire. Il y a eu, par exemple, le cas du schizophrène qui s’est suicidé en s’étouffant avec du papier de toilette ou celui du type déclaré mort par « asphyxie autoérotique accidentelle » à la suite d’une funeste tentative d’expérience sexuelle sous-marine qui a mal fini, le respirateur de son appareil de plongée, de fabrication artisanale, ayant mal fonctionné.

« Ce n’est certainement pas un travail routinier, dit Sauvageau. Vous ne savez jamais de quel genre sera votre prochain cas. » Et il ne faut jamais être à côté de la plaque. « Nous devons être méticuleux. Nous n’avons qu’une seule chance de procéder à une première autopsie. Beaucoup d’éléments de preuve peuvent être perdus à jamais si nous ne la faisons pas correctement. »

Lors du débat d’experts organisé par l’Association des diplômés de McGill, auquel participaient également Vahé Sarafian et Robert Dorion (DDS’72), professeur de dentisterie à McGill, Sauvageau a présenté une série de diapositives qui sont venues confirmer l’étrangeté des cas qu’elle et ses collègues rencontrent.

Une des diapositives faisait référence au cas d’une jeune femme dont le cadavre à demi nu avait été découvert dans un banc de neige à la suite d’une acrimonieuse rupture avec son petit ami. Facile de sauter aux conclusions, mais son corps ne portait aucune marque de violence.

« Les choses ne sont pas toujours ce qu’elles semblent être, prévient Sauvageau. Il est important que les experts judiciaires approchent leur travail sans idées préconçues quant à ce qu’ils vont trouver. » En examinant les cellules cardiaques de la jeune femme, Sauvageau a découvert les signes d’une maladie rare capable de faire passer quelqu’un de vie à trépas en un rien de temps – une maladie qui peut être déclenchée par la consommation d’alcool et l’exposition au froid. Après une soirée passée à boire, la jeune femme était allée faire pipi dans la neige, dernier geste qu’elle a posé avant de perdre conscience et de mourir.

Robert Dorion, directeur des Services d’odontologie judiciaire au LSJML, a connu lui aussi des cas mémorables. Cet expert qui met ses compétences au service de la police depuis plus de 30 ans a reçu le Exceptional Service in the Public Interest Award du FBI pour ses efforts. Le cas qu’il décrit comme étant « probablement le fleuron de ma carrière » n’a toutefois pas mené à une condamnation. Il a permis de faire sortir de prison une femme accusée à tort.

Caption follows
Louise Reynolds accusée en 1997 d'avoir tué sa fille, se présente à son audience de mise en liberté sous caution.

Louise Reynolds a passé plus de trois ans en prison en attente de son procès après avoir été accusée, en 1997, du meurtre de sa fille de sept ans par la police de Kingston (Ontario). Le pathologiste qui avait procédé à l’autopsie initiale avait conclu que les blessures retrouvées sur le corps de l’enfant résultaient d’une attaque aux ciseaux. Louise Reynolds fut arrêtée, bien qu’aucune preuve médico-légale ne la reliait au décès de sa fille, qu’aucune arme du crime n’avait été découverte et que le pelage du pit-bull présent dans la maison des Reynolds au moment de la mort de la fillette était taché de sang.

Dorion, un expert réputé des traces de morsure comme éléments de preuve – il a récemment édité et publié son premier manuel sur la question – fut appelé à donner son opinion par les avocats de Reynolds. « J’ai su tout de suite qu’une énorme erreur avait été commise », dit Dorion qui, à partir des photographies, a vu que les blessures résultaient de morsures de chien. Son témoignage a joué un rôle capital dans l’abandon de toutes les accusations contre la mère.

Le pathologiste qui avait sauté aux mauvaises conclusions n’était pas un spécialiste judiciaire, ce qui irrite Dorion. De par leur formation et leur expérience, les experts en criminalistique sont spécialement équipés pour analyser les morts suspectes. Dorion tient tellement à ce que les experts en criminalistique soient adéquatement formés, en particulier dans son propre domaine, qu’il a créé un programme d’odontologie judiciaire unique, qui se donne sur Internet. Ce programme est offert par McGill en collaboration avec le LSJML et il cible des dentistes chevronnés intéressés à acquérir une expertise judiciaire.

Les morsures représentent, à elles seules, un défi de taille car plus de 90 facteurs font varier leurs caractéristiques. Elles sont souvent associées à des crimes violents de nature sexuelle – l’arrestation du tueur en série Ted Bundy reposait en grande partie sur des traces de morsure ayant servi d’éléments de preuve. Elles sont également utiles dans les cas de violence faite aux enfants. « Les enfants n’ont pas beaucoup de choix quand ils doivent se défendre », explique Dorion.

Les étudiants qui suivent son cours sur Internet habitent différents coins du monde : Nouvelle-Zélande, Israël et îles Vierges américaines notamment. « Aucun autre programme du genre n’est offert dans le monde au niveau universitaire », ajoute-t-il. Les étudiants finissent par venir à Montréal pour poursuivre leur formation avec Dorion au LSJML, où ils acquièrent de l’expérience pratique dans l’identification des cadavres.

Une partie du programme se concentre sur les catastrophes de grande envergure. Les dents sont en général la partie la plus durable du corps humain, ce qui permet d’identifier des victimes quand on a peu d’éléments sur lesquels travailler, ce qui est le cas lors d’un écrasement d’avion. Les catastrophes ne posent pas toutes les mêmes défis. « Un écrasement d’avion n’est pas la même chose qu’un tsunami », explique Dorion. Dans le premier, les preuves sont compromises par une combustion intense et dans le second, par la décomposition.

Un autre thème qu’aborde le programme de Dorion est la façon de présenter un témoignage d’expert en cour. C’est une partie du travail avec laquelle Vahé Sarafian admet qu’il n’était pas totalement à l’aise au début.

« Vous devez avoir des nerfs d’acier, dit Sarafian. Tous les avocats essaient de faire dire aux témoins ce qu’ils veulent entendre. Certains vous mettent dans une situation stressante afin de vous faire perdre contenance. Ils vont jusqu’à poser la même question six ou sept fois, espérant trouver une ouverture pour vous désarçonner. »

Maintenant qu’il sait à quoi s’attendre, Sarafian dit qu’il aime presque jouer au plus fin avec les avocats de la partie adverse. « Je ne veux pas que les preuves que je présente soient interprétées différemment de ce que je crois qu’elles veulent dire. Pour moi, c’est l’essentiel. »

Une grande partie du travail de Sarafian est axée sur la preuve génétique. « La science a beaucoup évolué, dit-il. Nous sommes vraiment près d’établir une empreinte génétique. Prenons l’exemple de quelqu’un qui a pris dans sa main un fusil ou un couteau; même si cette personne ne laisse derrière elle que quelques cellules, cela représente suffisamment d’ADN pour créer un profil génétique. Il y a quelques années à peine, il nous aurait fallu une grosse goutte de sang. »

Josée Noël (B.Sc. 1996, M.Sc. 2000), une collègue de Sarafian à la division de biologie judiciaire, a commencé à travailler au LSJML il y a quatre ans.

Caption follows
Vahé Sarafian

« Au début, je pensais que la tâche serait simple » dit-elle à propos des preuves génétiques, mais le travail s’est révélé un peu plus complexe que ce qu’elle croyait.

« Il arrive que les échantillons sur lesquels nous devons travailler soient un mélange de deux ou trois personnes différentes. Ils nous arrivent parfois sur des pièces de vêtements, lesquels ont été exposés au soleil, à la poussière, aux moisissures. Il pourrait y avoir des champignons. » De tels échantillons peuvent malgré tout fournir des preuves inestimables, mais dégager ces preuves exige de la compétence.

« L’ADN est considérée comme la meilleure preuve scientifique en cour, ajoute Sarafian. Elle n’est plus remise en question. La technologie est acceptée comme étant bonne. La question qui se pose lors des procès, c’est : “À quel point êtes-vous habile dans l’emploi de cette technologie?” »

C’est pourquoi tous les laboratoires judiciaires, y compris celui où travaille Sarafian, consacrent des ressources considérables au contrôle de la qualité – formation intensive pour le personnel, protocoles pour vérifier et contre-vérifier tous les résultats et informatisation accrue des analyses d’ADN.

« Quand je rédige mon rapport, je suis toujours certaine de ce que j’écris, dit Noël. Je n’ai jamais l’impression de prendre des risques. Les résultats ont été confirmés et vérifiés tellement de fois. »

Pourtant, avertit Dorion, ce serait une erreur de mettre toute votre foi dans la seule preuve génétique.

Caption follows
Robert Dorion
Owen Egan

« L’ADN est le plus puissant outil de la criminalistique. Personne ne remettrait cela en question. Mais si je voulais [fabriquer des preuves], je pourrais prélever un seul de vos cheveux sur votre peigne et le laisser tomber où bon me semble. »

Les spécialistes judiciaires du LSJML ont eu affaire à plus que leur part de cas sinistres et troublants. Même les professionnels chevronnés s’efforcent de faire preuve d’impartialité lorsqu’ils sont aux prises avec un crime particulièrement brutal. « Certains cas m’affectent plus que d’autres, affirme Sauvageau. C’est difficile d’être totalement détachée. Vous devez prendre cette émotion et l’utiliser dans votre travail. »

« Ce n’est pas si difficile que ça de trouver des gens compétents qui veulent faire ce genre de travail. Au bout du compte, les résultats de nos efforts ont un réel impact sur la vie des gens », conclut malgré tout Sarafian.

« Je ne fais pas ça pour l’argent, ajoute Dorion. Je peux gagner beaucoup plus en travaillant dans mon cabinet dentaire. J’adore résoudre des énigmes. J’aime les intrigues. » Ses motivations sont toutefois plus profondes que ce qu’il laisse entendre.

« Si mon enfant disparaissait et que des preuves étaient trouvées par la suite, je voudrais que quelqu’un de compétent m’aide à découvrir ce qui est arrivé. Je voudrais connaître la vérité. »

view sidebar content | back to top of page

Search