Une voiture qui a sa place au soleil

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Une voiture qui a sa place au soleil

Une voiture qui a sa place au soleil

Les gens se sont agglutinés le long des rues principales de Saint-Jérôme. Les petits essaient de se placer devant les grands, et des enfants sont juchés sur les épaules de leurs parents. Rien de plus normal. Tout le monde aime les défilés. Mais où sont la fanfare et les chars allégoriques?

En fait, seul le murmure de la foule nous rappelle l'existence du défilé, car les attractions ne font presque pas de bruit : des voitures, des vélos, des scooters, même un camion de livraison... mus à l'électricité.

Le défilé s'inscrit dans le cadre de la conférence sur le transport urbain de Saint-Jérôme. N'allez surtout pas croire que ce sont les fonctionnaires et les aménagistes, ni même la demi-douzaine de véhicules utilitaires d'Hydro-Québec, qui volent la vedette. Après tout, un camion, si silencieux soit-il, demeure un camion. Mais si c'est une rutilante voiture de course qui défile, c'est une autre histoire. Mieux encore, une voiture propulsée grâce à l'énergie solaire fait tourner les têtes. Ajoutez les lignes pures du bolide solaire iSun de McGill et voilà que les yeux des enfants s'écarquillent.

Arrière-plan, de gauche à droite : Len D'Cuhna, Nicolas Verzeni et Mathieu Roberge. Premier-plan : Émilie Fortier et Phillip Weicker.
Photo: Owen Egan

« Ne pas toucher! »

Une heure plus tard. Les étudiants qui font partie de l'équipe iSun de McGill sont à Saint-Jérôme pour présenter leur bébé aux curieux. Ils doivent également mettre à l'abri des doigts poisseux les délicates batteries solaires de la voiture, qui valent environ 30 000 $.

La voiture solaire est de loin le clou de l'exposition aménagée sur la patinoire, éclipsant les stands sur les bateaux solaires et la zamboni électrique. L'affluence est telle que l'équipe doit placer des pylônes autour du véhicule.

« Ce sont toujours les mêmes questions qui reviennent : "Comment faites-vous pour monter dans la voiture?" "Quelle est la vitesse de pointe?" "Pouvez-vous rouler dans l'obscurité?" », confie avec une pointe de lassitude Elie Sarraf, qui suscite presque autant la curiosité que la voiture en raison du plâtre de fibre de verre qui lui recouvre la jambe (un souvenir d'un match de soccer).

Bon, pour monter dans la voiture, qui a la forme d'un rectangle géant courbé, on soulève le dôme qui rappelle le cockpit d'un F-18, et on se glisse sur le châssis inférieur, pour ainsi dire en position couchée. Le dôme, qui est recouvert de 452 cellules solaires, est abaissé sur le conducteur. À l'intérieur, ce n'est pas ce qu'on pourrait appeler le grand confort. Durant le défilé, Nick Verzeni n'était manifestement pas à l'aise et transpirait beaucoup sous l'effet de la chaleur du moteur; de plus, la conception de la coupole transforme l'habitacle en véritable serre. Il n'y a pas de climatiseur, ni même d'appui-tête.

La voiture peut rouler à environ 120 km/h. Cela peut paraître lent pour certains, mais c'est très impressionnant si l'on considère qu'elle utilise la même quantité d'énergie qu'un séchoir à cheveux. La personne qui est au volant de la iSun est appelée à vivre des sensations fortes. Bien qu'il ne puisse dépasser ce qui correspond à la vitesse de croisière sur les autoroutes du Québec, le véhicule est très bas.

« On a l'impression que la vitesse est beaucoup plus grande qu'elle ne l'est en réalité », de préciser Verzeni.

Les mécaniciens de l'équipe de McGill à l'oeuvre.

Eh oui, la voiture peut rouler même s'il fait nuit, sur des distances pouvant atteindre 250 km, grâce aux 25 accumulateurs aux ions de lithium.

En temps normal, la propulsion de la voiture repose sur les 1 200 watts générés par les centaines de cellules solaires qui recouvrent le dôme. Pour le profane, la conversion de la lumière du soleil en électricité relève de la magie. En réalité, lorsque les rayons du soleil frappent les panneaux photovoltaïques (cellules solaires), qui sont fabriqués à partir de cristal de silicium, ils exploitent l'énergie potentielle se trouvant entre les couches de matières positives et négatives. Cette énergie est ensuite acheminée dans les électrodes et les systèmes électriques de la voiture.

« Nous aimerions que les projets multidisciplinaires de ce genre se multiplient », dit Peter Radziszewski, professeur adjoint de génie mécanique et conseiller pédagogique de l'équipe depuis 2001.

« Ils permettent aux étudiants de développer leurs aptitudes en relations humaines en travaillant avec les membres de l'équipe et les commanditaires à un niveau qui va au-delà de ce qui est possible à la Faculté de génie. »

M. Radziszewski fait remarquer que la construction de la voiture solaire amène les étudiants à faire exactement ce que l'on attendra d'eux dans le monde du travail : des ingénieurs mécaniciens qui collaborent avec des ingénieurs électriciens afin d'améliorer le produit.

Si le véhicule est, à bien des égards, un prodige de la technologie -- c'est la voiture solaire la plus légère au monde -- c'est grâce au travail de toute une équipe que le projet est devenu réalité.

Matthew Smith, chef d'équipe et ingénieur-chercheur au laboratoire de robotique ambulatoire du Centre de recherche sur les machines intelligentes, explique que le plus difficile, ce n'est pas tant de faire fonctionner la voiture que de faire en sorte que l'équipe iSun travaille à l'unisson. Il souligne que les équipes de McGill ont essuyé des échecs déchirants au cours des dernières années. L'équipe Northern Sun (le prédécesseur de la iSun) n'a pu se qualifier pour une course par suite de la défaillance d'une roue, et l'an dernier, l'équipe iSun a été éliminée en raison d'un feu causé par un court-circuit. Il n'y a pas eu de blessés lors de ces deux incidents, mais la déception était amère. En tant que chef d'équipe, Smith doit s'assurer que les erreurs à lde ces désastres ne se répètent pas.

« En fait, nous avons compris que nous ne devions pas seulement construire une voiture solaire, mais également remporter une course de voitures solaires », précise-t-il.

L'équipe désire prendre part au American Solar Challenge, qui a lieu en juillet. Des dizaines de voitures solaires classées dans diverses catégories quitteront Chicago pour se rendre jusqu'en Californie. Le World Solar Challenge, qui se déroulera en octobre, est une compétition encore plus importante. Les meilleures équipes au monde rivaliseront dans le désert australien pour franchir les 3 000 km qui séparent Darwin d'Adélaïde. Selon Smith, l'équipe s'attend à faire bonne figure, prévoyant terminer les deux courses parmi les dix premiers.

Bien que l'équipe accueille volontiers toute personne désireuse de lui donner un coup de main, presque tous les membres sont en génie. Fidèles à leur vocation, la plupart d'entre eux veulent « mettre la main à la pâte ». Cependant, de nombreux autres collaborateurs jouent un rôle primordial à leur façon.

Émilie Fortier s'est liée d'amitié avec de nombreux membres de l'équipe l'an dernier et « est montée à bord » lors d'une rencontre avec les commanditaires de Toronto durant l'été. Depuis, elle est la relationniste de facto de l'équipe. Il lui appartient de présenter la voiture à l'occasion d'événements comme la conférence de Saint-Jérôme et le Salon de l'auto de Montréal. Grâce à ses bons offices, l'équipe avait également un stand lors de la journée portes ouvertes de McGill, en février.

Elle estime que des événements de ce genre ont de nombreuses retombées. « Nous faisons beaucoup parler de nous dans les médias, pour le plus grand plaisir des commanditaires. Nous pouvons également dire aux commanditaires éventuels "Votre logo aurait pu être là, bien en évidence". »

Cela facilite également le recrutement. « On est plus motivé quand on se regarde à la télévision. »

Comme iSun compte peu de femmes dans ses rangs, Mme Fortier y occupe une place spéciale. Elle concède que ses camarades masculins la taquinent à l'occasion. Cependant, elle croit que, à certains égards, on l'écoute davantage. Une de ses initiatives pourrait contribuer à accroître la représentation féminine au sein de l'équipe dans les années à venir.

Les panneaux sont alimentés par le soleil.

« Nous visitons des écoles secondaires. Nous nous rendrons entre autres dans une école pour filles. Un responsable de cet établissement pense que nous pouvons motiver les élèves », ajoute-t-elle en riant. « Je ne sais toujours pas ce que je vais dire aux filles! »

Will Sacks est le « grand argentier » de l'équipe iSun. Il lui appartient de trouver des fonds pour financer le projet. Une saison de courses exige un budget d'environ 270 000 $. On n'a qu'à penser aux pièces, à l'entretien, aux essais, aux déplacements et à toute la ribambelle de frais qui s'ajoutent à la liste. Les dons en nature, de matériel par exemple, viennent combler une partie des besoins, mais les espèces sonnantes et trébuchantes ne tombent pas du ciel.

La sollicitation est tout un art. Étant étudiant en génie mécanique, Will ne savait pas vraiment ce qui l'attendait.

« Au début, j'appelais n'importe qui, même les fabricants de tuyaux », raconte l'étudiant.

Il a considérablement amélioré sa technique l'an dernier. Désormais, il cible les sociétés, les fondations et les particuliers qui ont intérêt à s'associer à l'équipe iSun. Le principal commanditaire de l'équipe est ICP (Innovative Consumer Products), qui a fait don des cellules solaires qui alimentent la voiture. En échange, il arrive à cette entreprise d'utiliser la voiture à des fins promotionnelles. Bombardier et la TD Friends of the Environment Foundation sont également des commanditaires importants.

Notre argentier a en quelque sorte développé un sixième sens. « J'appelle les gens et je leur dis "Nous sommes de McGill et nous avons construit une voiture solaire". Ils me répondent : "Ah oui? Quelle est la vitesse de pointe?" Et là, je sais qu'ils vont nous donner quelque chose », dit-il en arborant un sourire en coin.

En définitive, malgré l'importance des ressources humaines et financières, la construction de la voiture solaire demeure un projet technique. Phil Weicker, actuellement inscrit au programme de maîtrise en génie électrique, est en charge des systèmes électriques de la voiture. Il explique que si certaines composantes sont disponibles sur le marché, d'autres -- par exemple, le bloc-batterie iSun -- ont été conçues par l'équipe.

« Nous avons conçu les cartes de circuit imprimé, la coque et le système à haute tension. Il y a aussi le moteur, le générateur solaire et le bloc-batterie. Il faut prévoir un dispositif qui coupe l'alimentation en cas de problème; il faut également surveiller la tension et la température des batteries; on doit également connaître le courant d'entrée et le

courant de sortie, et idéalement, il faut que tout fonctionne de manière que le conducteur ait à intervenir le moins possible », précise-t-il.

Selon Weicker, le système de McGill est beaucoup plus perfectionné que celui de nombreux autres participants aux courses de voitures solaires.

« À mon avis, bien des gens sous-estiment le danger présenté par ces engins, tout particulièrement la batterie au ion-lithium, qui emmagasine une énorme quantité d'énergie. Si vous ne la manipulez pas avec précaution, toute l'énergie sera libérée d'un seul coup. Autrement dit, c'est une bombe », ajoutant que leur système a prouvé sa valeur en arrêtant le moteur de la voiture lorsqu'un feu s'est déclaré à bord.

« Nous sommes l'exemple à suivre. »

Leur bloc-batterie n'est pas leur seule arme secrète. À la fin de l'exposition de Saint-Jérôme, après avoir monté la voiture sur la remorque, les membres de l'équipe se sont livrés à un « rituel » qui est devenu une tradition. Ils ont sorti le canon iSun, un long tube de plastique, et y ont inséré une balle. Ils ont ensuite introduit du gaz propane à l'autre extrémité et ont procédé à la mise à feu.

Boum! La balle est propulsée dans les airs. Après une entrée remarquée, un départ fracassant...

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