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La voix de la sagesse

C'est probablement un record, surtout à Ottawa, une ville où les bureaucraties gouvernementales évoluent souvent à la vitesse des glaciers. Rod Macdonald, professeur de droit, est entré en fonction comme président de la Commission du droit du Canada le 1er juillet 1997, secondé d'une secrétaire à temps partiel détachée d'un ministère fédéral. Deux mois plus tard, la machine tournait au quart de tour.

« Comme j'étais le président fondateur, j'ai dû m'occuper de tout, de l'achat des fournitures à l'embauche du personnel », a-t-il raconté. « Il a fallu partir de zéro ».

Rod Macdonald

Macdonald se distingue par le rôle déterminant qu'il a joué lors de la mise sur pied de cet organisme fédéral. Cependant, il est loin d'être le seul professeur à avoir mis son expertise au service de l'État.

L'apport des universitaires peut s'avérer précieux dans le cadre de l'élaboration des politiques gouvernementales. Par exemple, Paul-André Crépeau, professeur émérite de droit, a été le grand timonier de la refonte du Code civil du Québec qui a fini par voir le jour en 1991. Récemment, le Dr Howard Bergman, professeur de médecine familiale, a siégé au sein de la Commission Clair, qui, l'an dernier, a proposé au ministre de la Santé du Québec des changements importants au système de santé de la province.

La Commission du droit fondée par Rod Macdonald est chargée de soumettre des recommandations au gouvernement fédéral en vue de la réforme du droit canadien, entre autres de proposer des approches afin de le rendre plus efficace, plus souple, plus accessible et plus juste.

M. Macdonald a présidé aux destinées de la Commission pendant trois ans (McGill l'avait autorisé à prendre congé). Sous sa gouverne, la Commission s'est penchée sur un certain nombre d'enjeux, notamment l'exploitation des enfants en milieu institutionnel (p. ex. les orphelins de Duplessis) et la négociation d'un traité avec les autochtones de la Colombie-Britannique.

Ex-doyen de la Faculté de droit, Macdonald ne s'est pas laissé démonter par le travail de défricheur qui l'attendait. « J'ai eu ma part de tâches administratives au cours de mon existence », a-t-il indiqué. « Le rôle de doyen s'apparente beaucoup à celui de dirigeant d'un organisme indépendant. Par contre, le professeur a dans une large mesure les coudées franches pour analyser les questions, démêler le vrai du faux et publier les résultats de sa réflexion. À l'opposé, tous les propos du dirigeant de l'organisme public sont rapportés et soumis à une analyse implacable. » En d'autres termes, il marche sur des þufs lorsque vient le temps d'organiser des consultations et de rendre publics des documents de travail avant que les rapports définitifs ne soient diffusés.

Le mot « consultation » a une consonance familière pour Spencer Boudreau, professeur d'éducation et directeur du Bureau des stages de McGill. En décembre dernier, il a gagné les rangs du comité des affaires religieuses du Ministère de l'Éducation du Québec. Chargé de conseiller le ministre de l'Éducation, François Legault, sur la place de la religion dans les écoles de la province, ce comité a le pouvoir d'approuver le contenu confessionnel des programmes scolaires catholique et protestant.

Spencer Boudreau

En qualité de membre de ce comité, il estime avoir la possibilité de participer à l'élaboration de la politique gouvernementale. Comme les 12 personnes qui en font partie soumettent directement leurs propositions au Ministre et ont le pouvoir d'approuver le programme, Boudreau est convaincu que le comité des affaires religieuses a l'oreille du Ministre.

« Que ça lui plaise ou non, le Ministre doit prendre connaissance des changements que nous recommandons, car, en théorie, nous pourrions opposer notre veto à son programme », a affirmé Boudreau. « Nous tenons les rênes en ce qui a trait au contenu confessionnel des programmes. »

À son avis, l'Université tire parti de sa présence à la table. En vertu de la Loi sur l'instruction publique II, les écoles doivent offrir aux élèves la possibilité de choisir l'enseignement religieux (catholique ou protestant) ou l'enseignement moral. Ces changements influeront sur la formation des enseignants. De par les fonctions qu'il occupe, Boudreau est bien placé pour conseiller le gouvernement sur l'impact des changements proposés sur les facultés d'éducation de la province. « Parfois, nous devons donner l'heure juste aux gens. Cependant, le principal avantage tient au fait que, une fois de retour à la Faculté, on peut expliquer aux futurs enseignants ce que l'on attend d'eux dans un proche avenir », a-t-il ajouté.

Le professeur Peter Brown, directeur de l'École de l'environnement de McGill, abonde dans le même sens, soulignant que l'Université tire parti de sa participation aux travaux du Conseil consultatif des sciences et de la technologie, qui présente des recommandations à David Anderson, le ministre de l'Environnement du Canada, et à ses collaborateurs.

L'expérience qu'il a acquise au sein du Conseil l'a convaincu qu'il manque un programme à McGill. « Le Ministère a grand besoin de gens ayant des antécédents en politique environnementale », a-t-il mentionné. « Environ 50 % du personnel d'Environnement Canada sera admissible à la retraite durant les cinq prochaines années. Les universités forment surtout des spécialistes des sciences et non des gens capables de réfléchir aux grandes orientations. Nous espérons mettre de l'avant un programme d'études supérieures pour corriger cette lacune. »

Selon Brown, les universitaires peuvent mettre leurs connaissances au service des comités, des commissions et des conseils consultatifs de l'État. « Dans une bureaucratie, les gens n'ont pas la possibilité d'étudier des questions aussi pointues que les changements climatiques et la fertilité des sols. Or, notre emploi du temps nous permet d'analyser ces questions », de dire Brown. « Les scientifiques de la fonction publique possèdent les connaissances nécessaires, mais ne jouissent pas de notre autonomie. »

C'est là que les universitaires peuvent entrer en scène, de l'avis de Brown. « Si la permanence existe dans les universités, c'est entre autres pour que les gens puissent parler ouvertement sans craindre les représailles », a-t-il poursuivi. « Il est de notre devoir de parler haut et fort, sans détour. Cette mission nous incombe d'autant plus que nous sommes protégés. »

Bernard Shapiro, principal de McGill et sous-ministre de l'Éducation de l'Ontario de 1986 à 1989, reconnaît que les universitaires peuvent contribuer aux travaux des commissions gouvernementales en échangeant des connaissances et en donnant un éclairage nouveau.

Peter Brown

« Pour élaborer des politiques éclairées, le gouvernement -- comme n'importe quelle autre institution -- a toujours besoin de connaissances ». Le savoir des universitaires n'est pas toujours accessible au sein de l'appareil gouverne-mental en raison de la nature même du processus de dotation. »

Le principal a ajouté que si les universitaires analysent les questions sous un autre angle, c'est parce qu'ils proviennent d'un milieu différent. « Tout le monde arrive avec son bagage », a-t-il mentionné. En tant que fonctionnaire et sous-ministre, j'ai manifestement été influencé par mon milieu. C'est la même chose pour les universitaires. Comme en toute chose, il n'est jamais mauvais de demander un deuxième avis. »

Shapiro précise cependant qu'il est impossible de savoir à l'avance dans quelle mesure le gouvernement tiendra compte des recommandations d'une commission. « J'ai toujours pensé que le rapport d'une commission n'est pas projeté dans l'histoire, mais en suit plutôt le cours, car le problème, que le gouvernement s'en soucie ou non, ne pourra se résoudre de lui-même. »

Même les commissions que le gouvernement met sur pied à des fins de relations publiques ont leur raison d'être, car elles enrichissent la masse de connaissances sur un sujet, à laquelle on peut ensuite puiser afin de trouver des solutions aux problèmes, a-t-il ajouté.

Marie-Claude Prémont, professeur de droit, a présidé le Comité de surveillance du projet vitrine carte santé. Ce comité a été créé par la ministre de la Santé du Québec dans la foulée du projet de cartes à puce réalisé à Laval, qui visait à permettre un partage de l'information entre les dispensateurs de soins. Le Comité a notamment été appelé à déterminer si ce nouveau mode de partage de l'information était compatible avec la protection des droits et des libertés individuels.

Aux dires de Mme Prémont, Ces commissions font partie intégrante du processus démocratique. « La démocratie va au-delà de l'exercice du droit de vote tous les quatre ou cinq ans », a-t-elle déclaré. « Ces forums sont très importants, bien qu'aucun comité ne puisse prétendre avoir le monopole de la vérité. Le processus démocratique doit suivre son cours en cela que le gouvernement doit se pencher sur la question. Que le rapport soit critiqué ou acclamé n'a pas d'importance. »

Sa participation aux activités d'un comité influe sur ses travaux de recherche futurs. « Le professeur peut se familiariser avec de grands enjeux et a la chance de s'améliorer », a-t-elle souligné. « L'occasion est belle d'établir un lien entre la théorie et la pratique et de proposer de nouvelles pistes de recherche. À mon avis, la meilleure théorie est solidement ancrée dans la pratique. »

Ce lien a également un impact favorable sur l'enseignement. « Les étudiants adorent que le professeur établisse une correspondance entre la théorie et la vie en société. Ils ont ainsi une vision plus nette de ce qu'ils étudient. »

Marie-Claude Prémont

Récemment, un étudiant a manifesté le désir de rédiger un travail de semestre sur la santé. Le professeur Prémont lui a suggéré un sujet abordé par le Comité qu'elle présidait.

Par ailleurs, la présence d'un professeur au sein d'une commission rejaillit sur l'université à laquelle il est rattaché. « L'université est alors considérée comme une ressource précieuse et récolte donc davantage d'appuis », estime M. Shapiro.

Toutefois, le gouvernement ne donne pas forcément suite aux recommandations des gens qu'il consulte. Il y a environ quatre ans, le ministre de la Défense de l'époque, Doug Young, a demandé à quatre historiens militaires, dont Desmond Morton, de McGill, de lui présenter des solutions afin de remettre les forces armées du pays sur les rails.

Selon Morton, les officiers devaient être plus scolarisés et considérer la carrière militaire comme le prélude à plusieurs carrières, et les collèges militaires royaux avaient fait leur temps.

Les hauts gradés se sont avérés un auditoire difficile. « Lorsque vous présentez des recommandations de ce genre à des gens d'âge vénérable, le message passe mal », a expliqué Morton. « Dans l'ensemble, mes recommandations n'ont pas été particulièrement appréciées. Les gens écoutent ce qu'ils veulent bien entendre. »

Le fait que la plupart de ses conseils n'ont pas été suivis ne le trouble aucunement. « En quoi suis-je si intelligent? » a-t-il clamé. « Je n'ai pas de don particulier. J'ai compris que mes recommandations ne seraient peut-être pas mises en þuvre. »

Quelle que soit l'issue de leur participation, Spencer Boudreau croit que les professeurs devraient contribuer à l'élaboration des politiques gouvernementales s'ils en ont la chance. « Nous sommes très critiques envers le gouvernement; nous devons donc lui faire part de nos commentaires. » Il estime également que la participation aux travaux d'un comité est une reconnaissance de l'expertise du professeur. « Ce n'est pas tous les jours que l'on est invité à conseiller un ministre. »

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