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Chercheurs des quatre coins du monde

Par Daniel McCabe, BA'89; traduction de Carl Lavoie, BA'84

Qu'est-ce qui fait que McGill est dans une classe à part? C'est d'abord son orientation internationale qui nous vient à l'esprit. En effet, les chercheurs de l'Université sillonnent la planète pour réaliser des travaux dans à peu près tous les champs de la connaissance.

Photos dans le sens des aiguilles d'une montre, à partir de la gauche: Laurence Kirmayer en mission de recherche dans le Nord; Philip Salzman au Baluchistan, Pakistan; Timothy Johns en compagnie d'une Masaï à Loliondo, Tanzanie; Amanda Vincent aux Philippines

Les chercheurs qui sont appelés à entreprendre des travaux sous d'autres cieux et à côtoyer la population locale doivent surmonter une multitude d'obstacles. La vaccination contre la malaria, la perte de bagages et les découvertes culinaires (« Qu'est-ce que je mange?! ») ne constituent qu'un avant-goût de ce qui les attend.

Ainsi, ils devront éviter de plus grands écueils encore. Il leur suffit d'aliéner les gens qu'ils veulent étudier ou d'offusquer leurs partenaires de recherche éventuels -- les gens ayant les relations nécessaires à la mise en oeuvre du projet -- pour réduire à néant des mois de préparation.

C'est pourquoi les vétérans de la recherche à l'étranger recommandent ce qui suit : établissez des liens solides dans le pays hôte avant votre départ; faites preuve de souplesse dans la réalisation des travaux une fois arrivé à destination; privilégiez l'écoute au détriment de la parole lorsque vous vous lancez dans un projet.

« Posez des questions au lieu de faire des déclarations. Ayant grandi dans un pays en développement, j'ai un plus grand bagage multiculturel que la plupart des Canadiens. Pourtant, j'ai multiplié les bourdes », a indiqué Amanda Vincent, professeur de biologie. Cette dernière, qui est généralement considérée comme la plus grande sommité en matière d'hippocampes, participe à des projets de recherche et de conservation dans le monde entier.

« Il ne suffit pas de choisir un sujet d'études et de prendre l'avion en espérant que tout ira comme sur des roulettes », a fait remarquer le Dr Charles Larson, MDCM'71, MSc'88, professeur aux départements de pédiatrie et d'épidémiologie et de biostatistique. « Il faut être prêt à s'adapter. »

Sous la houlette de McGill, M. Larson a dirigé un projet pluriannuel de recherche en santé en ...thiopie dans les années 1990 et est un des maîtres d'oeuvre d'un projet de partenariat en santé entre l'Université et la ville de Chelyabinsk. L'asthme est une des principales causes de mortalité dans la région, une des plus isolées de la Russie. De concert avec d'autres chercheurs de McGill, il collabore avec les hôpitaux et les autorités sanitaires de Chelyabinsk en vue de réduire le taux de mortalité infantile.

Photo Amanda Vincent étudie les hippocampes avec un assistant
Photo Philip Salzman interroge des habitants du Baluchistan
Photo Timothy Johns (extrême droite) à Siaya, Kenya
Photo Charles Larson (centre) à Chelyabinsk, Russie

C'est évidemment pour leur expertise que les autorités éthiopiennes et russes ont fait appel aux chercheurs de McGill. M. Larson juge cependant important que leurs compétences soient harmonisées avec les ressources et la culture locales.

« Le chercheur n'est pas là pour mettre sur pied une succursale de McGill. J'insiste toujours pour que des gens du pays soient à la barre. Je tiens à ce que la recherche leur soit utile et réponde à leurs besoins. Il n'y a pas que mes objectifs qui comptent. »

Philip Salzman, professeur d'anthropologie, a vécu avec des peuples nomades du Baluchistan (Pakistan), du Rajasthan (Inde) et de la Sardaigne (Italie) pour les étudier. Comme ses travaux sont axés sur le mode de vie et les rapports sociaux, il juge essentiel de partager le quotidien des gens pendant une longue période (au moins un an), de même que d'apprendre leur langue.

« On ne peut pas vraiment faire confiance aux interprètes. Il est nettement préférable d'aller à la source. On se rend dans le pays pour voir comment les gens vivent dans le quotidien. Il est donc très important de pouvoir suivre leurs conversations, car les renseignements communiqués au chercheur n'ont rien à voir avec la réalité », a-t-il soutenu.

M. Larson abonde dans le même sens, estimant que, où que l'on se trouve dans le monde, l'on doit être en mesure de saisir les nuances linguistiques.

« Durant notre séjour en Ethiopie, nous nous sommes penchés sur un grave problème de santé : la diarrhée. Les ...thiopiens emploient trois ou quatre mots pour la décrire. Chaque mot a un sens particulier, et il est important de pouvoir les distinguer. »

Selon Amanda Vincent, qui a dirigé plusieurs projets en Asie, les chercheurs occidentaux doivent être très attentifs aux propos tenus par leurs partenaires étrangers, même lorsque la conversation se déroule en anglais. « Dans les cultures asiatiques, il faut poser la bonne question pour obtenir des renseignements. Les gens taisent beaucoup d'information à moins que vous ne les invitiez explicitement à la communiquer. »

À l'opposé, elle croit que les partenaires de recherche des pays en développement sont parfois décontenancés par l'attitude de leurs confrères de l'Occident. « L'importance que nous accordons aux questions fondamentales, par opposition à l'action, les surprend. Lorsque l'on est confronté à de graves problèmes de gestion des ressources et problèmes socio-économiques, c'est un luxe que l'on ne peut pas se payer », a-t-elle poursuivi.

Par ailleurs, les chercheurs doivent travailler dans des conditions qui sont souvent bien différentes de ce qu'ils avaient envisagé. Il y a également des situations d'urgence qui peuvent faire dérailler le meilleur plan au monde.

« Si le pays est aux prises avec une flambée de malaria, les gens qui devaient collaborer avec vous ont soudainement d'autres soucis en tête que votre projet de recherche », a souligné Timothy Johns, un professeur de diététique et de nutrition humaine qui a fait de la recherche en Afrique et en Amérique du Sud.

M. Salzman est d'avis que ses projets de recherche donnent de meilleurs résultats lorsqu'il effectue plusieurs séjours dans le pays. « J'étais sidéré de voir que, chaque fois que je suis allé en Sardaigne, c'était le branle-bas général pour une raison ou une autre. Une année, c'était la sécheresse; l'année suivante, des meurtres et des enlèvements en série. Chaque fois, l'événement déclencheur était différent.

« Si je m'étais contenté d'un seul séjour, j'aurais pu conclure que l'événement qui se déroulait sous mes yeux était la norme. C'est comme si quelqu'un était venu récemment faire de la recherche sur Montréal et avait déduit que nous parlons toujours de fusions municipales », a-t-il ajouté, faisant allusion à la vive controverse suscitée par le projet une île, une ville.

M. Johns s'est rendu souvent en Tanzanie et au Kenya pour étudier les Masaïs. Malgré un régime alimentaire riche en matières grasses, l'incidence de la cardiopathie est faible chez cette population. Selon le chercheur, cela s'explique dans une large mesure par les vertus des plantes médicinales que les Masaïs ingèrent régulièrement.

À son avis, les chercheurs qui désirent réaliser des travaux à l'étranger ne devraient pas se limiter à un pays. « C'est bien de diversifier, car le contexte évolue. Lors de mon premier séjour, le Kenya semblait si paisible. » Aujourd'hui, le pays est confronté à une forte hausse du taux de criminalité et à une situation politique explosive. « Aucun pays n'est parfait. De nos jours, il est rare que l'on travaille toujours au même endroit. »

M. Johns précise que certains pays sont carrément dangereux. « Un jour, en Tanzanie, le chef de la police locale a été assassiné à quelques milles de mon lieu de travail. Il y avait également des bandits qui attaquaient les gens pour leur soutirer de l'argent. » Il connaît également une chercheuse qui a été violée durant un séjour à l'étranger.

M. Salzman estime quant à lui que, en général, les chercheurs ne courent aucun risque. « On est presque toujours hors de danger. Dans les localités où je me suis rendu, les gens avaient un sens très marqué de l'hospitalité et de l'honneur. Ce serait mauvais pour leur réputation s'il arrivait quelque chose à un étranger. En tant que leur invité, on est intouchable. »

Biologiste du milieu marin, Amanda Vincent ne se contente pas d'observer les mouvements gracieux des hippocampes et d'étudier leur comportement. Elle est également la codirectrice du Projet hippocampe, qui, de concert avec les communautés, vise à mettre en place des méthodes de conservation répondant aux besoins des pêcheurs tout en protégeant les hippocampes et leur habitat de la destruction et de la surpêche.

Elle conseille aux chercheurs canadiens qui travaillent dans les pays en développement de ne pas prendre le mors aux dents. Les habitants de ces pays ne vivent pas au même rythme que nous et ne changeront pas la cadence pour que le chercheur atteigne ses objectifs.

« Travaillez au ralenti, au point d'avoir parfois l'impression de faire du sur-place. Un jour, j'ai proposé à des pêcheurs philippins de modifier leurs pratiques de gestion. Ils semblaient favorables à mon plan; cependant, mes partenaires de recherche locaux m'ont informée qu'ils n'étaient pas prêts.

« J'ai insisté. Le plan a été établi, mais les pêcheurs m'avaient mal comprise. Ils considéraient mon plan comme une mesure temporaire. L'initiative manquait d'aplomb. Si j'avais attendu un an, elle aurait reposé sur des bases beaucoup plus solides. »

D'autre part, s'il va de soi en Occident, l'obtention du consentement éclairé des personnes à l'étude peut s'avérer un exercice délicat dans ces pays. « Il n'est pas rare que les chercheurs locaux ne soient pas de la même classe sociale que les gens étudiés », de dire Charles Larson. « Ils n'ont pas l'habitude de demander la permission. Quant aux personnes visées par la recherche, elles ne comprennent pas pourquoi vous voulez obtenir leur consentement et sont troublées. Il arrive que les gens nous disent : "Pourquoi me demandez-vous ça? Qu'est-ce qui ne va pas?" »

« Les habitants des villages africains sont très réticents à signer quoi que ce soit », a mentionné M. Johns à cet égard. Ces gens, qui, dans bien des cas, sont analphabètes, ont souvent été enrôlés dans l'armée ou contraints d'acquitter un impôt à leur insu après avoir apposé leur signature sur un document.

« Il faut tout de même essayer d'obtenir leur consentement », a-t-il fait valoir. On peut entre autres tenir des assemblées publiques présidées par les anciens, de manière à permettre à tous les membres de la communauté de poser des questions sur le projet.

Toutefois, les communautés ne voient pas toujours d'un bon oeil les projets de recherche. Laurence Kirmayer, professeur de psychiatrie, travaille avec des groupes autochtones du Nunavut et du nord du Québec afin de trouver des solutions à des problèmes de santé mentale.

À l'heure actuelle, il s'intéresse au taux de suicide dans les communautés nordiques.

« Les chercheurs du Sud sont accueillis avec une grande méfiance dans certaines communautés autoch-tones. Les gens ont l'impression que les nombreuses études réalisées sur le terrain n'ont pas permis de résoudre leurs problèmes. »

M. Salzman a apporté un autre son de cloche. « La réaction des gens que j'ai rencontrés pourrait se résumer comme suit : "Si cette personne est venue jusqu'ici et nous parle avec respect, c'est signe qu'elle n'est pas indifférente à notre sort." Les pauvres des localités rurales ont rarement droit à un tel traitement de la part de leur gouvernement ou des touristes. Ils sont touchés de voir que vous faites un effort pour connaître leur culture. »

« Les chercheurs doivent se livrer à un exercice périlleux en cela qu'ils doivent satisfaire deux ensembles d'exigences », a affirmé Mme Vincent. Les organismes subventionnaires, les universités et les revues ignorent souvent que les projets qui se déroulent dans les pays en développement sont assujettis à d'autres règles.

« Une fois que l'on a entrepris un projet dans un pays en développement, il est difficile de s'en tenir à son engagement, par exemple de fermer les yeux sur ce qui se passe dans le village voisin. On ne peut pas dire "J'ai obtenu une subvention uniquement pour travailler dans ce village" », a-t-elle poursuivi.

« Il faut mobiliser les communautés à l'étude », a souligné M. Johns. « Elles doivent y trouver leur compte. Le chercheur doit leur communiquer les résultats de ses travaux. Il peut également offrir des possibilités de formation ou encore rémunérer des gens à titre d'assistants de recherche. » MM. Vincent et Kirmayer considèrent eux aussi qu'il est essentiel de partager les résultats des études avec les personnes visées.

Mais pour le chercheur « au long cours », quelle est la récompense?

« C'est de savoir que vous avez contribué à changer les choses. C'est le plaisir de travailler dans des endroits magnifiques avec des personnes vraiment remarquables », de conclure Mme Vincent.

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