ALUMNI QUARTERLY
SPRING 1999

[ English Synopsis ]

L'avenir appartient aux étudiants, c'est connu. La plupart d'entre eux entreprennent leurs études universitaires en vue d'obtenir un meilleur emploi qui, bien sûr, sera aussi mieux rémunéré. Or, si rien n'est moins sûr en cette ère de chômage élevé et de rationalisation des effectifs, bon nombre d'étudiants devront en plus faire le saut au sein de la population active en traînant un boulet financier.

L'étudiante Anna Kruzynski devant le «mur de la dette»

«Certains étudiants ont accumulé des dettes allant jusqu'à 50 000 $ ou même 80 000 $,» souligne Anna Kruzynski, étudiante post-graduée, qui, avec un passif personnel de quelque 10 000 $ et l'aide financière de sa mère, avoue se sentir privilégiée en comparaison à bien d'autres étudiants.

L'automne dernier, pendant la semaine d'action organisée par la Fédération canadienne des étudiants et en pleine période électorale, des dizaines d'étudiants de l'Université McGill avaient ainsi tenu à s'opposer aux frais élevés de scolarité et d'endettement en inscrivant leur dû sur le mur de la dette érigé à proximité de l'édifice James Administration.

Hausse de 115 %

Au Canada, le financement des études post secondaires a toujours été une responsabilité partagée entre la société, au moyen des impôts, et les parents et les enfants qui puisent dans leurs économies personnelles. Mais, une étude de Statistique Canada portant sur le remboursement des prêts étudiants, indique que les frais de scolarité ont grimpé de115 % depuis 1980, alors que le revenu familial moyen n'a augmenté que de 1 % (en valeur réelle). Selon des estimations, le coût pour un programme de quatre ans peut dépasser 50 000 $ pour une personne qui ne vit pas avec ses parents.

La manifestation étudiante cet automne a attiré l'attention des médias

«Les familles se voient donc de plus en plus forcées de trouver d'autres moyens de financer les études,» souligne l'organisme dans le numéro d'hiver 1998 de Tendances sociales canadiennes.

Les prêts étudiants consentis par les gouvernements constituent donc un des moyens pour les aider à investir dans leur avenir. «Il s'agit de la principale composante de nos activités,» précise d'ailleurs Judy Stymest, directrice du Service d'aide financière de l'Université McGill.

Ainsi, l'an dernier, l'argent des prêts et bourses représentait 36 des 42 millions de dollars administrés par ce service qui gère notamment les programmes gouvernementaux des prêts et bourses, les programmes de prêts aux étudiants des autres provinces du Canada de même que le programme américain de prêts aux étudiants (Stafford).

Quelque 6 000 étudiants, soit un peu moins du tiers de la population étudiante de McGill, s'en sont ainsi prévalus. Malheureusement, l'argent en provenance des gouvernements prend de plus en plus la forme de prêts au détriment des bourses.

C'est une situation qui, jumelée à la hausse des frais de scolarité ces dernières années, explique sans doute pourquoi «la dette contractée dans le cadre des programmes de prêts aux étudiants, par les diplômés de 1995, était de 130 % à 140 % plus élevée que celle de la promo-tion de 1982,» révèle encore la récente étude de Statistique Canada.

Autres données : en 1995-1996, près de 8 000 titulaires de prêts étudiants en souffrance ont déclaré faillite, soit deux fois plus qu'en 1990-1991! Or, pour réduire ce nombre, le gouvernement n'a pu faire mieux que d'adopter un projet de loi qui porte de deux à dix ans la période d'inadmissibilité à la faillite des ex-étudiants.

Judy Stymest, directrice du Service d'aide financière aux étudiants de McGill, dont le bureau porte secours à un tiers des étudiants

Endettement = abandon ?

La perspective d'un lourd endet-tement découragerait-elle alors certains étudiants de s'inscrire à des programmes d'études universitaires ou les forcerait-elle à abandonner avant d'avoir atteint leur but ? Difficile d'évaluer, répond Judy Stymest, qui a toutefois connu des étudiants qui prenaient une année sabbatique pour se refaire une santé financière afin de pouvoir poursuivre leurs études.

«Mais avant d'en arriver là, précise-t-elle, nous prenons la peine d'explorer avec eux toutes les avenues possibles afin qu'ils puissent au moins terminer leur session en cours.»

Si un étudiant se retrouve ainsi dans l'impossibilité de recevoir une aide financière additionnelle, de la part des parents ou encore du gouvernement, le Service d'aide financière pourrait alors envisager de lui offrir un prêt de dépannage à court terme.

Ou encore lui suggérer, s'il y a lieu, de s'inscrire aux différents ateliers de préparation de budget. «Certains étudiants se retrouvent hors du milieu familial pour la première fois et ne savent pas trop comment faire ou gérer un budget,» constate Judy Stymest, précisant que ces sessions d'information, présentées par des étudiants, ont donc l'avantage d'avoir une perspective reflétant davantage leurs préoccupations. En plus des notions de base sur l'épargne et les dépenses de consommation, les étudiants profitent également de ressources telle une liste d'adresses où ils peuvent magasiner (nourriture, vêtements, meubles) à bon marché.

Il existe une autre alternative : le programme travail-études. Implanté il y a quatre ans, ce programme a permis de fournir du travail à quelque 500 étudiants l'an dernier. Les emplois, offerts par diverses facultés de l'université, ne sont pas nécessairement reliés au domaine d'étude et comprennent autant des tâches administratives que du travail de recherche.

Bourses du millénaire

L'an dernier, le gouvernement canadien annonçait son intention de créer un programme de bourse d'études pour l'an 2000. Doté de fonds d'un milliard de dollars, ces bourses du millénaire permettraient ainsi d'injecter de l'argent dans les poches des universitaires. D'abord destinée principalement aux étudiants méritants, l'allocation de ces argents a fait l'objet de nombreux débats afin d'en faire plutôt profiter ceux dans le besoin. Puis, d'un point de vue politique, le gouvernement du Québec s'oppose encore à ce que son homologue fédéral s'immisce dans un domaine de juridiction provinciale.

De leur côté, les universités aimeraient bien que le gouvernement pense aussi à leurs goussets. «Les universités ont deux sources de financement principales : les subventions gouvernementales et les frais de scolarité, rappelle Phyllis Heaphy, vice-principale, administration et finances. Si le gouvernement procède à des coupures dans le secteur de l'éducation, il doit donc compenser en permettant des hausses de frais de scolarité. »

Les étudiants ne sont évidemment pas de cet avis. Selon eux, le gel des frais de scolarité est primordial si l'on veut conserver l'accès à l'éducation, mais aussi éviter d'alourdir le fardeau financier des diplômés. «Les générations futures doivent avoir le plus possible accès à l'enseignement post secondaire, sans se retrouver avec d'imposantes dettes,» clame Anna Kruzynski.

Devant le niveau d'endettement élevé des universitaires, de même que le sous-financement du secteur de l'éducation, il semble donc que les gouvernements, les maisons d'enseignement et les étudiants avancent des solutions... incompatibles. Y a-t-il un mécène dans la salle ?

Le «top ten list»

Il y a deux ans, dans le cadre d'une semaine de sensibilisation à la gestion tenue sur différents campus universitaires au pays, les étudiants en planification financière de l'Université McGill ont emprunté le concept du «top ten list» de David Letterman pour attirer l'attention de la confrérie sur ce thème. Voici la liste de leurs dix principaux signaux d'alarme :

10

Vous pensez qu'un fonds commun, c'est lorsque vous et votre coloc séparez la facture d'épicerie.

9

Vous faites le suivi de vos dépenses en vous rappelant où vous avez laissé votre carte de débit la veille.

8

Votre fonds d'urgence a pour nom... maman.

7

Quand vous parlez du marché, vous faites référence à votre épicerie de quartier.

6

Le T-4 est important pour vous, parce qu'il s'agit de votre numéro d'appartement.

5

Selon vous, régler une dette est synonyme de payer la 1ère tournée à la brasserie.

4

Votre conception du risque, c'est de raconter à l'élu(e) de votre coeur que vous sortez avec des copains alors qu'une ancienne connaissance y sera.

3

Vous croyez que le Régime enregistré d'épargne-retraite (REÉR) est un obscur programme universitaire.

2

Vous planifiez votre retraite en achetant un billet de loterie.

1

Vous pensez qu'un audit est une élégante voiture européenne.