ALUMNI QUARTERLY
SPRING 1997

Transfert d'expertises

par Richard Latendresse, BA'85



[ This story in English ]

Abigail Forson a fait son stage chez CRC Sogama où elle a travaillé avec Marjolaine Tremblay, opératrice de traitement de texte et administratice de réseau, et Carole Asselin, secrétaire de direction (assise)

Il fallait trouver une façon d'améliorer le rendement des fonctionnaires dans les pays en développement. C'est la conclusion a laquelle étaient arrivées plusieurs organisations internationales. On a choisi d'investir dans leur formation. Deux universités ont été mandatées: McGill et l'Université d'Auvergne en France.

Il n'existe pas - enfin, il n'existe plus - de solutions simples à des problèmes complexes.

L'époque bénie où une subvention publique venait soutenir une bonne idée pour la transformer en nouvel aéroport international, en stade olympique ou en festival de jazz est révolue. Il faut désormais faire preuve de beaucoup d'imagination.

C'est ce que McGill a démontré en 1994 en mettant sur pied le programme de maîtrise en gestion des politiques économiques (mieux connu sous le sigle EPM pour "Economic Policy Management").

Le mandat, confié par la Banque mondiale et la Fondation pour le renforcement des capacités en Afrique, consistait à former - pour les pays en développment et ceux qui s'étaient fraîchement dépêtrés des contraintes d'une économie planifiée - des gestionnaires locaux capables d'effectuer les ajustements imposés par un virage vers une économie de marché.

Un mandat sous forme de véritable défi qui a lancé l'Université dans une suite insoupçonnée d'innovations. Première d'entre elles: l'association de deux unités pour offrir cette maîtrise, la faculté de gestion et la faculté des arts (département d'économie). "On souhaitait bâtir un programme de maîtrise plus pratique que théorique," affirme Jan Jorgensen, son principal concepteur, "un programme qui aiderait vraiment les gestionnaires." Les étudiants font donc moins de mathématiques, mais davantage d'études de cas, de situations, de problèmes.

Abigail Forson, étudiante ghanéenne, y voit une des grandes forces du programme. "J'ai affiné, comme économiste, mes propres capacités analytiques, en approfondissant du mème coup mon jugement et ma confiance personnelle." Cette confiance, elle et ses collègues ont aussi pu la raffermir grâce au stage de six mois qui couronne les 18 mois de formation théorique. Là encore, il y a pour l'université tout un défi à relever: chaque année, offrir à une trentaine d'étudiants des stages qui, idéalement, amélioreront leur efficacité et qui peuvent se faire dans n'importe quel pays, sauf le pays d'origine de l'étudiant.

Tout ne se passe malheureusement pas aussi bien que ce stage sur l'archipel de Saint Kitts & Nevis dans les Antilles qui n'annonçait rien de spécial et qui a finalement permis à un étudiant de participer à une audacieuse réforme du régime fiscal. "Nous comptons davantage faire participer les étudiants au choix d'un stage," promet Linda Montreuil, l'administratrice du programme. "Ils devront préciser le genre de placement qu'ils souhaitent - quel genre de stage, dans quel type d'organisme, dans quelle ville - et nous tenterons, dans la mesure du possible, d'organiser des rencontres entre les étudiants et leurs employeurs avant que le stage n'ait lieu."

Le programme de maîtrise en gestion des politiques économiques se distingue, d'autre part, par un volet de formation tout à fait inédit. Les étudiants, pratiquement tous anglophones, suivent tous des cours intensifs de français. Et McGill salue leurs efforts en décernant des "certificats de compétence en français." Un atout qui, selon Abigail Forson, aura encore une fois des conséquences bien concrètes, notamment pour les étudiants africains. "Le Ghana, pays anglophone, est entouré de pays francophones ; au ministère des Finances où je travaille, nous sommes constamment en contact avec nos collègues des pays voisins." Ainsi, c'est entre autres à la cohésion des politiques régionales que contribuera ce soutien au bilinguisme.

Mais la grande originalité de ce programme réside dans son auto-financement, tout du moins pour les trois premières promotions. Les 44 000 dollars que coûtent à chaque étudiant les deux années du programme sont assumés par la Banque mondiale, la Fondation pour le Renforcement des capacités en Afrique et l'Agence canadienne de développment international: une collaboration grandement appréciée dans le milieu universitaire !

Une chance inouïe pour McGill d'ajouter à son expertise et de montrer à nouveau ce qu'elle sait faire. "Par la suite," souligne Linda Montreuil, "nous comptons sur la réputation que nous aurons acquise pour intéresser les gouvernements d'un peu partout à la survie du programme. Le calcul est simple: d'abord, les étudiants acceptés possèdent déjà une expérience de gestionnaire. "Cette formation," reconnaît avec enthousiame Abigail Forson, "sans nécessairement me permettre de résoudre les problèmes économiques du Ghana, va m'aider à évaluer la faisabilité et la viabilité de certaines solutions."

Les pays donateurs (le Canada bien sûr, mais aussi le Japon et certains pays européens) verront dans la survie du programme un gage de rendement accru de l'argent investi. Enfin, les dirigeants des pays en développment sauront indéniablement apprécier ces fonctionnaires hautement efficaces.

McGill, en obtenant ce prestigieux programme international, avait damé le pion à la London School of Economics. Le programme compte des étudiants originaires d'Afrique, d'Asie, du Moyen-Orient et d'Amérique du Sud. Mais aujourd'hui, à en croire Abigail Forson, c'est tout le Québec qui en tire des bénéfices: "En plus d'avoir appris le français, je vais garder de Montréal l'image d'une ville cosmopolite et paisible. Une ville merveilleuse!"